A Gift of Wings

A gift of wings

Petite pichenette aux pilotes ayant accumulé un peu trop d'expérience, cette histoire raconte comment trois pilotes confirmés, dont Richard, se posent à la tombée de la nuit avec les plus grandes difficultés pour maîtriser leur machine, puis attendent, avec inquiétude, l'arrivée de leur jeune coéquipier novice. Quelle ne fut pas leur surprise de voir le jeune pilote effectuer un atterrissage parfait ! Ils ne réalisèrent qu'à ce moment que lui seul avait pris la précaution de d'observer la manche à air pour se poser ... face au vent, tout simplement !

Ces deux nouvelles se suivent et sont assez caractéristiques du style de Richard Bach. Dans la première nouvelle, un pilote sans histoire et très respectueux de la règlementation aériène (qui parle à la première personne), est pris en otage par une bande de hors-la-loi dont le chef est un certain Drake (je suppose que c'est une allusion au célèbre corsaire anglais Sir Francis Drake). Ces "bandits" , malgré leurs armes et leurs habits noirs, ne commettent d'autre crime que de piller les archives techniques de la FAA (équivalent américain de notre DGAC), et d'emprunter, si nécessaire, un avion et son pilote pour être en mesure de rapporter leur "butin". Arrivés dans leur "repaire", une grotte remplie d'avions, les "outlaws" expliquent à notre héros scandalisé par leurs agissements, qu'ils se sont volontairement mis hors la loi afin de pratiquer une aviation sans compromis avec la médiocrité, et ne peuvent, ni ne doivent, observer une règlementation imbécile, voire dangeureuse. Drake informe notre héros, grand défenseur de l'état de droit, que, malgré une maintenance tout à fait conforme à la règlementation, une des bielles de son moteur est félée et peut lâcher d'un instant à l'autre. Il serait donc prudent de ne pas repartir vers la montagne, avec un vent qui forcit et un plafond qui s'écroule. Notre pilote, se réfugiant dans la légalité, part quand même. Une fois en vol (sous pilote automatique), il prend soin de coucher sur papier l'histoire incroyable qu'il vient de vivre. Ce texte, retrouvé dans les débrits de son avion, et publié furtivement dans un canard aéronautique, se termine par l'évocation des difficultés qu'il rencontre durant son vol, la mise en conditions de vol sans visibilité, puis l'arrêt du moteur ...

Dans "A school of perfection, nous retrouvons Richard, responsable d'une école de pilotage, à la recherche d'un élève qui n'est pas rentré. Navigant avec l'énergie du désespoir et à la limite de la panne d'essence, Richard tombe par hasard sur le repère de Drake. Comme le pilote précédent, il se heurtera aux vues pour le moins originales du chef des "outlaws", il tentera même de faire paraître la mort de son élève comme inévitable. Puis, découvrant peu à peu l'école de Drake, où apprendre à voler peut prendre toute une vie, il finira par accepter l'idée que l'art de voler n'admet que la perfection, et que les les contraintes économico-règlementaires ne peuvent en aucun cas justifier que l'on admette qu'il est inévitable de "perdre" quelques élèves. Richard en reviendra transformé, bien décidé à faire désormais fonctionner école autrement.

Dans ce récit, Richard se rend à un meeting d'aviation (sûrement Oshkosh ), avec trois de ses amis et trois Piper "Cub". En route, ils embarquent des hippies qui faisaint de l'autostop. L'échange de points de vue entre les pilotes et les "freaks" est assez croustillant, mais finalement, ils se rendent tous compte que, malgré les apparences, ils ne sont pas si différents ...

Richard a le coeur déchiré d'être obligé de se séparer de son vieux Ryan, mais il préfère savoir qu'il vole plutôt que de le voir pourrir au fond d'un hangar. Mais il trouve vite un moyen de se consoler : en fait, il y a deux parties dans un avion, une partie faite de bois, de toile, de boulons et autres pièces métalliques, et une autre partie, faite de souvenirs, d'aventures et d'émotions (dix sept atterissages forcés en cinq ans), et cette seconde partie n'est pas à vendre, elle est à lui pour toujours ...

Il m'aura fallu pas moins d'une dizaine de lectures pour comprendre enfin le sens de cette histoire. La subtilité réside dans le fait que les protagonnistes prennent place à bord d'un planneur ... monoplace. Ils sont en fait les deux facettes de la même personne : Richard Bach. Les caractères de l'un et de l'autre sont diammétralement opposés. Celui qui tient les commandes est un poète exhalté, impatient de se sentir libre à nouveau, en rejoingnant son élément favori : l'air. Il est dans un état de jubilation proche de la béatitude allant même jusqu'à comparer chaque décollage à une nouvelle naissance. Il n'est pas du tout concentré sur ses paramètres de vol et se fiche royalement de la compétition de vol à voile à laquelle il est censé participer. L'autre personnage (conjugué à la première personne), est un rabat-joie procédurier, agacé par le manque de rigueur de "son" pilote, ne voyant dans le paysage aux allentours que les dangers potentiels. Quelle n'est pas sa stupeur lorsque, peu après le décollage, le poète se se libère trop tôt du câble de remorquage, rendant ainsi très faibles les chances de rejoindre le terrain d'arrivée. Dans cette région montagneuse, faite de lacs, de forêts et de rochers, tout attérissage forcé serait extèmement hasardeux. Trouver l'ascendance providentielle devient alors une question de vie ou de mort. Le poète en rit et compte sur sa chance, alors que l'autre ne peut admettre de n'avoir plus que ce recours. Malgré quelques minutes d'angoisse, tout se terminera bien ...

Cette histoire nous rappelle qu'une fois en vol, nous navigons tous entre ces deux attitudes, et qu'il n'est pas toujours évident de concilier la contemplation bucollique des beautés du ciel et la maîtrise totale de sa machine ...

Richard évoque ici les situations difficiles auxquelles tout pilote est amené à être confronté un jour : pris au piège d'une météo qui se dégrade plus vite que prévu, embringué dans une vrille de laquelle on n'arrive pas à sortir, aspiré par un courant descendant en montagne ... La seule question qu'on se pose à ce moment là est toujours la même : "Qu'est-ce que je fais ici ?". La réponse que donne Richard est pourtant simple : "Je ne suis pas ailleurs, je vis l'instant présent en luttant pour préserver ma vie. Seuls des moments comme ceux-là sont à même d'en estimer le véritable prix". Se sortir de telles situations donne un sentiment de victoire sur les éléments et sur soi-même.

Richard parle des écrivains qui l'ont poussé à franchir les portes du ciel et soutient l'idée qu'il n'est pas nécessaire de connaitre "physiquement" un écrivain pour qu'il devienne un ami. Il suffit de le lire ! Il prend pour exemple Antoine de Saint Exupéry, qu'il fallait déjà pouvoir apercevoir au travers de l'épais nuage de fumée de cigarette qui entourait constamment sa tête. Ceux qui le connaissaient intimement, redoutaient autant qu'il parle de sa santé que d'attendre son retour d'un de ses vols en se demandant s'il penserait à sortir son train d'atterrissage. Richard Bach prétend même qu'il y a toutes les chances pour que le pilote allemand qui l'a abatu sans se douter, bien sûr quelle était sa cible, possédait chez lui tous les livres de Saint Ex.

Richard parle ici de son ami "Bo", son ailier du temps où il était pilote de chasse. De retour dans le civil, Richard avait continué à voler et à vivre du métier de pilote, mais Bo lui, travailla pendant dix ans dans une entreprise de machines à laver. De leur brève rencontre qu'ils eurent durant cette période, Richard ne garde qu'un souvenir amer d'avoir vu que son ami avait fui le ciel et s'était laissé mortifié par la routine d'un métier et d'une vie inintéressants. Aucun des deux ne chercha par la suite à garder le contact, jusqu'à ce jour où Bo, s'occupant désormais d'une entreprise d'avions de tourisme, invita Richard à venir passer quelques jours. Cette nouvelle rencontre ne ressemble pas à la précédente. Cette fois ci, les deux amis se retrouvent vraiment.

Sommaire